En France, pays du vin et des cafés fumants, le thé a longtemps été considéré comme une boisson d’hiver ou de convalescence. Pourtant, depuis une vingtaine d’années, une révolution discrète s’opère : les Français, séduits par les nuances infinies des feuilles infusées, ont développé une relation à la fois exigeante et poétique avec le thé. Mais quelles saveurs captivent vraiment l’âme gourmande et esthète de l’Hexagone ?
1. L’Élégance parfumée : Earl Grey et Jasmine, les incontournables
Si un parfum incarne le thé « à la française », c’est bien la bergamote. L’Earl Grey, né d’un mélange britannique, a été adopté et sublimé par les Français qui en apprécient l’équilibre entre l’amertume du thé noir et les notes citrusées. Les maisons de thé parisiennes comme Mariage Frères ou Kusmi Tea en proposent des variations délicates, parfois enrichies de pétales de bleuet ou de vanille.
Vient ensuite le thé au jasmin, héritage des échanges avec la Chine. Les Français adorent son parfum envoûtant, moins floral que poétique, évoquant les jardins impressionnistes. Contrairement aux Chinois qui privilégient les thés verts parfumés, les amateurs français le dégustent souvent en version semi-oxydée (Oolong) pour une rondeur plus sensuelle.
2. La Quête de l’Exotisme : Matcha, Rooibos et Créations Audacieuses
La tendance healthy a propulsé des stars inattendues. Le matcha, poudre de thé vert japonais, séduit les urbains pour ses vertus énergisantes et son vert émeraude photogénique. On le boit en latte dans les cafés branchés, mélangé à du lait d’amande ou en pâtisserie.
Autre phénomène : le rooibos, infusion sud-africaine sans théine, devenu le chouchou des soirées. Les Français l’apprécient nature ou revisité en versions « gourmandes » (rooibos caramel-beurre salé, coco-gingembre), preuve d’un goût prononcé pour l’expérimentation.
Les créations audacieuses foisonnent : thé noir à la rose et lychee, thé vert au yuzu et basilic, ou même mélanges inspirés de desserts (tarte Tatin, crème brûlée). Une inventivité qui rappelle l’art de la parfumerie – secteur où la France excelle.
3. Le Retour aux Sources : Crus Rares et Thé « Vintage »
Une clientèle raffinée recherche l’exceptionnel. Les thés blancs de Chine (comme le Bai Mu Dan), aux notes de miel sauvage, ou les Darjeeling First Flush (première récolte indienne), légers et floraux, sont adulés pour leur pureté. Le Pu’er fermenté, dont la complexité évolue comme un bon vin, gagne aussi des adeptes parmi les collectionneurs.
Certains salons proposent même des thés « millésimés » – à l’image des grands crus bordelais –, avec des années de garde précisées sur l’étiquette. Une façon de transposer la culture du terroir viticole à l’univers du thé.
4. Rituel à la Française : Entre Cérémonie et Insouciance
Contrairement au « tea time » rigoureux des Anglais, les Français mélangent les influences. Le matin, un thé noir corsé (type Assam) dans un bol en céramique, accompagné d’une tartine beurrée. L’après-midi, un moment solo avec un Oolong dans une théière en verre, pour admirer les feuilles se déployer.
Les salons de thé parisiens, comme L’OisiveThé ou Angelina, ont inventé leur propre grammaire : assiettes de madeleines moelleuses, conversations animées, et une dégustation qui dure… aussi longtemps qu’un roman de Proust.
Conclusion : Le Thé, Nouvel Art de Vivre
Aimer le thé en France, c’est refuser de choisir entre tradition et modernité. C’est vouloir explorer le monde (une tasse de Ceylan, un thé des neiges de Corée) tout en inventant des saveurs inédites. Entre les mains des Français, le thé devient un langage – tantôt sophistiqué comme une robe Dior, tantôt décomplexé comme un pique-nique au bord de la Seine. Et si la réponse à « Quel thé les Français préfèrent-ils ? » reste insaisissable, c’est peut-être parce que leur vrai choix est celui de la liberté : celui de siroter, chaque jour, une nouvelle histoire.